• Votre contribution "Inculture numérique et cybercriminalité" (Lire dans commentaire) soulève par sa richesse et sa densité plusieurs problèmes de nature différentes, qui pourraient  effectivement être  autant d'obstacles à la mise en place d'un instrument régional de lutte contre la criminalité informatique
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    Je citerai pêle-mêle : l'absence de percption par les politique du caractère stratégique de la lutte contre la criminalité informatique, l'incivisme de la population sur les inforoutes,  l'absence de réponses juridiques appropriées.....
    Effectivement, pendant longtemps, la cybercriminalité a été perçue en Afrique comme une délinquance spécifique aux pays riches. Cette situation a été largement alimentée par le sous équipement et la faiblesse du taux de pénétration des TIC's en Afrique.

    Perdus dans ce "désert numérique", les pouvoirs publics n'ont pas toujours su prendre la mesure de l'enjeu stratégique que constitue la lutte contre la criminalité informatique pour le développement du continent.

    Et à mon sens, c'est précisément là que doivent intervenir les les experts dont le rôle est de sensibliser, d'expliquer, de former en anticipant les menaces et les risques.Il leur appartient notamment , en leur qualité "d'éclaireur", d'apporter aux politiques les éléments d'appréciation et de décision, en leur montrant à quel point, et dans quelle mesure la criminalité informatique pourrait constituer un obstacle supplémentaire pour le développement.

    Je relève d'ailleurs, que un peu partout à travers l'Afrique, se multiplient les cas de cybercrminalité face auxquels les réponses pénales existantes conçues pour le monde réel se révelent inappropriées et anachroniques. J'ai a ainsi pu relever des cas de cybercriminalité un peu partout en Afrique  tel qu'au Maroc, au Sénégal, en Côte d'ivoire, et surtout au Nigéria ...
    L'une arnaques les plus connues sur internet, le scam est d'ailleurs encore appelée "arnaque africaine" ou "419" en référence à l'article du code pénal Nigérian qui réprime l'escroquerie.
    Récemment lors d'un voyage au Cameroun, un responsable m'a fait part de ce que la rumeur qui avait couru un moment sur le décès du Président avait été diffusé à partir d'internet, d'un site situé à l'étranger. Face à cette désinformation qui était susceptible d'être analysé comme une tentative de déstabilisation, les autorités n'avaient trouvé à l'époque aucune réponse juridique appropriée.
    Les pouvoirs publics africains sont donc de plus en plus sensible à la question...

    En effet, comme ce fut le cas en leur temps des espaces terrestre, maritime et aérien, le cyberespace constitue un nouvel espace dans lequel l'Etat doit continuer à assumer ses prérogatives régaliennes, notamment en assurant la sécurité des biens et des personnes.

    Ce qui suppose compte tenu des particularismes du cyberespace une approche inédite.

    Je note également, qu'il s'exerce de plus en plus sur l'Afrique, de la part des partenaires occidentaux et des investisseurs, une forte pression pour éviter qu'elle ne deviennent une "cyberzone de non droit", où les pirates de tous poils, pourraient élire leurs quartiers; une telle situation étant de nature à affaiblir l'efficacité globale de la lutte délinquance informatique au niveau internationale.

    Les pouvoirs plus publics sont plus réceptifs à cette thématique. J'en veux encore pour preuve, le considérant n°3 du préambule de la position Africaine commune, arrêté en vue du 11ème congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale qui s'est tenu à Bangkok (du 28 au 25 avril 2005), dans lequel les ministres africains réunis en conférence ministérielle de l'Union africaine reconnaissent que la criminalité transnationale organisée, et notamment la cybercriminalité, entravent sérieusement le développement économique de l'Afrique".

    La situation est donc mûre à mon sens pour un instrument régional en la matière. Toutefois, il faut à mon sens sur ce sujet un changement d'approche. En effet, l'examen des travaux réalisés jusqu'ici montre que la cybercriminalité n'est pas un traité de façon spécifique, mais comme un aspect particulier de la criminalité organisée.

    Ici encore c'est aux experts de mettre en exergue la nécessité et l'exigence d'une approche spécifique de la question.

    Au "désert numérique"  s'ajoute donc, effectivement, un véritable "désert juridique" l'un expliquant l'autre. Le désert numérique étant la cause l'absence d'encadrement juridique, et l'absence d'encadrement juridique pouvant, lui même expliquer d'une certaine manière, "l'enclavement numérique" du continent.

    En outre, je note que, c'est précisément l'absence d'encadrement des délits spécifiques à l'informatique qui explique les déviances auxquelles vous faites allusion, selon le bon vieux principe "tout ce qui n'est pas interdit est permis".

    Il y a donc un travail d'information à faire auprès du public, et en particulier des jeunes internautes, sur ce que j'appelle, à l'instar du code de la Route, le "code des inforoutes", c'est à dire les bonnes pratiques pour naviguer en toute sécurité sur internet.

    C'est pourquoi, l'adoption d'un instrument juridique africain contraignant spécifique à la criminalité informatique n'est qu'un de l'ensemble. Ce qu'il faut c'est une véritable politique régionale cohérente avec une stratégie claire, des objectifs à moyen et  long terme précis, le tout en s'adossant un financement autonome et pérenne.

    C'est à ce prix que l'Afrique parviendra à s'arrimer à la révolution post-industrielle en cours.

    Ces aspects sont évoqués dans les autres propositions du séminaire en ligne.

    Lionel Kalina

     


    2 commentaires

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    La société de l'information autorise à travers les inforoutes, l'échange de biens et de services à l'échelle de la planète en temps réel.

    Toutefois ce progrès formidable draine avec lui sa part d'ombre. Une nouvelle forme de criminalité prospère sur les vulnérabilités nouvelles créées par ce nouveau type d'échanges.

    Des «pirates» d'un genre nouveau infestent «les inforoutes», et s'en prennent  aux réseaux eux-mêmes ou s'en servent pour commettre «des infractions classiques informatisées ». A la vitesse de la lumière, ils frappent sans contrainte géographique à n'importe quel endroit du globe, en quelque clics de souris, dépouiller un citoyen quelconque d'où qu'ils soit, et faire disparaître aussi instantanément les traces de  leurs forfait.

    Cette forme inédite de criminalité présente des caractéristiques particulières : la transnationalité des délits,  l'anonymat des intervenants et la volatilité des éléments de preuves qui déstabilisent les réponses classiques d'appréhension de la criminalité.

    La cybercriminalité étant un phénomène mondial, la riposte s'organise à un niveau équivalent par la création d'un véritable cyberespace, fondée sur une approche concertée et la mise en place d'un modèle juridique normalisée.

    Si, dans les pays du Nord la riposte est actuellement effective, ce n'est pas le cas pour l'Afrique. On relève ça et là des initiatives locales isolées, mais aucune politique régionale d'ensemble.

    Ceci s'explique par le fait, que ce phénomène  a longtemps été considéré comme une criminalité spécifique aux pays riches, cette opinion étant alimentée par le faible niveau de pénétration des TIC sur le continent. Les choses changent, on remarque ça et là, des initiatives nationales isolées, mais pas encore de politique régionale coordonnée, susceptible de faire l'Afrique une "cyberzone de non droit".

    A l'occasion de nombreux colloques et rencontres, comme dans le cadre de mon cours, j'ai eu l'occasion d'ébaucher, ma position sur une politique régionale cohérente de prévention et de lutte contre la cybercriminalité.

    Je vous invite donc à discuter ces propositions, en participant à ce séminaire virtuel sur le thème "Cybercriminalité : quels outils pour l'Afrique ?"

    Deux axes :

    • Axe 1 : La création d'un instrument régional  de lutte et de prévention contre la cybercriminalité
    • Axe 2 : La mise en place d'une politique régionale cohérente de lutte contre le cybercrime.

    Chaque comprend une série de propositions que les participants peuvent discuter, critiquer ou amender en formulant des contre- proposition.

    A la fin du séminaire, l'ensemble des contributions sera synthétisé en mis en ligne sur le blog.

     


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  • Axe n° 1 : Création d'un instrument régional de prévention et de lutte contre la cybercriminalité.

    Proposition n° 1 : Une convention Africaine de prévention et de lutte contre la cybercriminalité.

    L'idée que nous soutenons ici est celle de la création d'un instrument juridique régional spécifique à l'Afrique. Ce pourrait être une convention Africaine de Prévention et de Lutte contre la Cybercriminalité.

    C'est vrai qu'il existe d'autres pistes : celle de l'adhésion à la Convention de Budapest qui est ouverte à tous les pays, ou encore celle de certains organismes tels le Commonwealth, et pourquoi pas une convention francophone dans le cadre de l'OIF.

    Nous restons convaincu  malgré tout que, pour des raisons politiques, économiques et pratiques, le choix d'une convention africaine de prévention et de lutte contre la cybercriminalité constitue la réponse la plus appropriée en l'espèce.

    L'adhésion la Convention Européenne est soumise à l'agrément des pays déjà membres qui doivent se prononcer sur la candidature de l'État candidat. L'acceptation est donc liée à l'existence d'un niveau comparable de garanties et d'une conception partagée sur les standards de l'État de droit, en raison de la coopération policière et judiciaire qu'elle implique.

    Or, Cette question de l'appréciation de l'état de droit et de la situation démocratique du candidat est susceptible de constituer un facteur de blocage pour l'adhésion de certains États africains.

    C'est pourquoi,  sur une question stratégique de cette importance,  les pays africains ne peuvent subordonner l'effectivité de leur politique de lutte contre la cybercriminalité  à la bonne volonté ou mauvaise volonté de tel ou tel autre pays membre de la convention européenne. C'est une question de souveraineté.

    Il est donc indispensable que cette question fasse l'objet d'un instrument régional qui tienne compte des spécificités techniques, culturelles, et religieuses de l'Afrique.


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  • Axe n° 1 : Création d'un instrument régional de prévention et de lutte contre la cybercriminalité

    Proposition n° 2 : Une convention adoptée au niveau de l'Union Africaine.

     A quel niveau cet instrument doit-il se négocier ?

    Il existe actuellement plusieurs initiatives qui ne sont toujours coordonnées. Si l'on souhaite mettre en place un instrument contraignant auquel tout le monde adhère, il faut lui conférer toute l'autorité et la solennité nécessaires, en marquer la détermination politique des États africains à lutter contre ce fléau juridique.

    C'est pourquoi, cet instrument doit être adopté au plus haut niveau, c'est à dire au niveau de l'Union Africaine, par les chefs d'états et de gouvernement.

    La convocation d'un «Sommet africain pour la prévention et la lutte contre la cybercriminalité» serait à cet effet, la formule la mieux indiquée.

    Lui seul disposerait de l'autorité et la légitimité nécessaire pour fédérer les différentes initiatives concurrentes et imposer une démarche collective.


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  • Axe n° 1 : Création d'un instrument régional de prévention et de lutte contre la cybercriminalité

    Proposition n°3 : Élaboration d'un droit pénal substantiel et l'aménagement de la procédure pénale.


    En ce qui concerne le contenu de cet instrument, il ne s'agit pas de réinventer la roue.

    La cybercriminalité est un phénomène mondial et la riposte s'organise aujourd'hui à travers une normalisation et une harmonisation des incriminations et des procédures.

    Cette normalisation se fait autour de

    la Convention Européenne qui regroupe près de 80%  des infrastructures.

    Du point de vue contenu, on distingue les infractions relatives à la sécurité des systèmes et réseaux informatiques, les atteintes relatives au contenu et les atteintes à la propriété intellectuelle.

    En outre, il faut aménager les droits  internes, pour permettre l'enquête en milieu électronique (saisie, perquisitions, conservation et conditionnement des preuves...).

    Sur la liste des incriminations comme sur l'aménagement de la procédure pénale,

    la Convention Africaine devrait à notre avis s'aligner sur la liste admise au niveau international. C'est une question d'efficacité, une coopération effective n'est possible que sur la base de ces convergences.

    Toutefois, il y a des questions sur lesquelles

    la Convention Africaine marquera nécessairement son originalité. C'est notamment le cas de la détermination de contenu  illicite, de blasphème....

    La convention doit aboutir à la création d'un cyberespace judiciaire africain, c'est à dire la mise en place d'un  cadre de coopération internationale à l'intérieur de l'espace régional. Celui-ci pourrait notamment se traduire par la Création d'unités spécialisées dans lutte contre le crime informatique, ou la mise en place de points contact 24/7.   

     


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